Sous forme de conférence dansée, le spectacle aborde avec légèreté et humour le rapport qu’entretiennent les artistes à leur pratique de la gigue et à tout ce qu’elle implique. À travers ces réflexions et discussions, parfois verbales, parfois dansées, les artistes revisitent leurs parcours respectifs et pigent dans leur vécu commun, en se laissant porter par les traces de leur mémoire.
La conversation entre les interprètes glisse donc de la voix au mouvement et aux multiples sonorités des pieds et du corps, donnant plusieurs dimensions à l’oeuvre. Dans cette atmosphère qui se veut à la fois informelle et fictionnelle, le duo présente ainsi un panorama de différentes pratiques de la gigue tout en abordant en profondeur les enjeux d’identité, de responsabilité de transmission et de rapport au patrimoine qui préoccupent les acteurs du milieu du patrimoine vivant et, plus spécifiquement de la gigue québécoise. La gigue y est multiple, diversifiée, tantôt déconstruite, tantôt sublimée, mais toujours présente.
L’oeuvre flirte avec l’humour de manière à renouveler l’attention et à finalement aborder la notion de plaisir dans l’exploration et la réflexion qui se veut peut-être finalement le coeur de leurs pratiques. Les créateurs maintiennent d’ailleurs le caractère flottant et ambigu de l’espace scénique grâce à une scénographie évolutive : lampes et divers objets sont manipulés par les artistes et se déplacent dans l’espace au fur et à mesure que la pièce évolue. L’objet de la cassette audio y prend une place importante, tantôt utilisée pour créer des ambiances sonores, tantôt détruite afin d’en utiliser les rubans comme objet visuel, rythmique et symbolique. Quel est leur rapport à ce document d’archives? Veulent-ils le détruire ou simplement s’amuser avec en lui donnant une nouvelle forme?
La proposition se démarque par son rapport privilégié avec les parcours respectifs des deux artistes en scène. Les expériences vécues du duo, à la fois comme interprètes, interprètes-créateurs et créateurs viennent offrir un point de vue riche, intime et singulier sur ce panorama cité plus haut, tout en offrant une porte d’entrée pour l’appréciation de chacune des approches touchées. À travers toutes leurs critiques et leurs réflexions, le public a finalement accès à leur histoire commune et à leur complicité développée au fil des années.
Jonathan C. Rousseau est un artiste danseur, enseignant et chorégraphe qui oeuvre dans le milieu de la danse traditionnelle et de la gigue contemporaine. Après une formation au sein de l’ensemble folklorique Mackinaw à Drummondville, Jonathan évolue dans l’organisme jusqu’à en prendre la direction artistique en 2013. Parallèlement, il co-fonde la compagnie La R’voyure en 2011 dans laquelle il peaufine et redéfinit sa vision des arts traditionnels encore aujourd’hui.
Curieux, il ouvre ses horizons depuis une dizaine d’années en prenant part à plusieurs projets de gigue contemporaine comme interprète (Zeugma, Les Archipels, Nancy Gloutnez, Isabelle Boulanger) et comme chorégraphe. Parallèlement, il co-organise des événements rassembleurs autour de la gigue et du flamenco en partenariat avec Sarah Bronsard et l’organisme BIGICO. Avant tout amoureux de la gigue et de tout ce qu’elle peut évoquer, il s’intéresse particulièrement au développement de techniques d’improvisation.
Artiste issu de la danse, Antoine Turmine s’intéresse au rythme comme manière d’articuler les durées dans et par la sensation. Cette démarche l’amène à approfondir le travail des durées dans l’épaisseur du geste et comme ligne de fuite du réel ; à l’image d’un paysage que l’on découvre et qui invite au jeu ou à la fiction. Le son et le corps en mouvement sont d’ailleurs au premier plan dans ses propositions artistiques qui baignent dans le temps de la mémoire et de l’oubli.
Titulaire d’un baccalauréat en danse contemporaine de l’UQAM (2014) et d’une maîtrise en danse (2020), il vise à faire de sa pratique un véritable laboratoire et recherche ainsi les dispositifs et les contextes qui l’invitent à reformuler le sens de sa pratique. Celle-ci est d’ailleurs parsemée de courtes pièces, de laboratoires improvisés, de collaborations intimes et d’un travail d’interprétation au sein de différents projets chorégraphiques. Intéressé par l’oubli, la notion de paysage et du thème de la rencontre, il cherche à créer des mi-lieux en mouvement où notre sens du temps et de la réalité se trouble. Ses créations se situent entre le conceptuel et le sensible et sont toujours prétexte à la rencontre, à la discussion et à la découverte.